Catherine Aubier : « La démocratisation actuelle de l’astrologie entraîne-t-elle des dérives ? »

2/22/2025

Le contenu de mon article

La première vocation de Catherine Aubier est astronomique. Enfant à la santé fragile, elle est envoyée à 13 ans passer plusieurs mois chez sa grand-mère dans la campagne charentaise, sans pouvoir aller à l’école à cause des risques de contagion. Elle lit pour passer le temps jusqu’à découvrir dans le grenier un atlas céleste qui la fascine. Équipée d’une lampe de poche et de cet atlas, elle se rend dès lors tous les soirs en haut de la petite colline située derrière la maison pour repérer les constellations, les étoiles, les planètes et leurs mouvements.

Sa grand-mère, de surcroît, s’intéresse à l’astrologie. Elle est abonnée à des fascicules mensuels qui donnent des prévisions pour chaque signe. Catherine trouve l’univers astrologique tout aussi fascinant que l’astronomie. Elle apprend à calculer, non sans mal, les ascendants de toutes les personnes de sa famille.


L’astrologie l’appelle encore quelques années plus tard alors qu’elle fait ses études au Conservatoire de Bordeaux. Le maire de la ville déteste la musique classique et l’opéra. Il offre donc sa loge personnelle à la nièce de son meilleur ami, qui est l’oncle de Catherine Aubier. Une véritable aubaine dont elle fait profiter tous ses partenaires du Conservatoire ! Un soir se joue un opéra nommé « Hérodiade » au cours duquel un astrologue royal s’adresse aux planètes pour leur demander de l’éclairer. En entendant ce chant, c’est pour elle une évidence : « c’est ça que je veux faire ! »


Cette prise de conscience bute encore toutefois sur ses difficultés en mathématiques mais aussi sur l’influence familiale. Plutôt douée en dessin et en musique, Catherine semble programmée pour la voie artistique, très prisée par sa famille. Elle fait quelques années de Beaux Arts et de Conservatoire mais sans passion. Son désir laissé en suspens ne l’empêche cependant pas de lire beaucoup de choses sur l’astrologie … Parallèlement à un travail de bibliothécaire, puis de responsable d’enquêtes de marketing pour une entreprise américaine !


Le destin bifurque au moment où elle se marie (premier cycle de Saturne : 29 ans). Sa profession du moment nécessitant des voyages permanents, elle arrête de travailler… Et s’ennuie assez rapidement. À ce moment-là, une de ses amies, qui fait des illustrations pour des magazines, doit réaliser celles de l’horoscope de « Votre beauté », un titre qui existe encore. Après avoir rencontré l’astrologue qui écrit cette horoscope, elle conseille à Catherine d’aller la voir afin de choisir une voie. Les réponses qui lui sont apportées changent sa vie. L’astrologue lui conseille d’approfondir son étude de l’astrologie et la lui enseigne pendant deux ans à raison d’un cours par semaine.


Les nombreuses associations astrologiques de l’époque lui permettent de rencontrer beaucoup d’autres astrologues, en particulier André Barbault ou Jean-Pierre Nicola. Elle commence aussi à donner elle-même des cours dans divers groupes, ce qu’elle fera pendant des années (au GERASH, à l’Espace Bleu, à AGAPE …). Elle devient Présidente de la Fédération Francophone d’Astrologie dans les années 1980. Elle fonde également, avec Bernard Besançon qu’elle a rencontré au sein des cours qu’elle donnait, une école d’astrologie par correspondance permettant à des non-parisiens de se former. L’école en question, Maison 9 (la maison des études et des connaissances supérieures) fête aujourd’hui ses 35 ans, et Catherine et Bernard continuent à corriger les devoirs de leurs élèves.


L’autre passion principale de Catherine, en plus des cours, est l’écriture. C’est André Barbault qui lui proposera d’écrire un ouvrage au sein d’une collection sur les signes du Zodiaque demandée par un éditeur italien alors qu’il est déjà engagé chez un autre éditeur. L’astrologue pèse de son poids pour qu’elle puisse écrire sur son propre signe, le scorpion. Une fois qu’elle prend conscience de ses capacités d’écriture, les propositions s’enchaînent, d’abord des livres « grand public » puis des ouvrages plus exigeants parmi lesquels Devenir astrologue en 20 leçons (Solar, 1994), Le dictionnaire pratique d’astrologie (Solar, 1996), des livres qui ont pu être traduits à l’étranger. Ses derniers livres parus sont Ma Bible de l’Astrologie (Leduc S., 2021) et Ma Bible des arts divinatoires (Leduc S., 2023), « Cours pratique d’astrologie prévisionnelle » (Grancher) et un ouvrage sur l’astrologie et la lithothérapie.


Catherine Aubier a pour spécialité la comparaison de thèmes, aussi appelée synastrie, ce qui a donné notamment Le livre des affinités astrales (Solar, 1999), un domaine qui tient là aussi à des circonstances particulières. Elles remontent à la rencontre, dans les années 1977-1978, d’un jeune homme venu la consulter car il souhaite créer un club de rencontres. Un véritable courant de sympathie s’installe, confirmé rapidement par de bonnes configurations planétaires . Il lui fait aussi rencontrer son associée , puis ils proposent finalement à Catherine de travailler dans leur entreprise « Euroclub ». C’est le début d’une très longue collaboration, et pour Catherine, l’occasion d’expérimenter et d’affiner sa pratique.


Dans le cadre de cette première partie d’entretien, Catherine Aubier explique ce qu’est l’astrologie et retrace à grands traits l’évolution depuis les temps anciens jusqu’à aujourd’hui de ce qu’elle tient pour une science humaine.


Chiron – Si vous deviez résumer l’astrologie au plus simple, comment la définiriez-vous ?


Catherine Aubier - L’astrologie est la rencontre entre le ciel, l’espace, « l’infiniment grand » et l’homme. Elle n’est pas une science à proprement parler. Il y a science quand les mêmes causes produisent systématiquement les mêmes effets, or les effets de l’astrologie varient selon les personnes. L’astrologie peut, par contre, être considérée comme une science humaine. Elle est très utile pour mieux se connaître, pour comprendre les racines de nos problèmes, les analyser, les connaître et les surmonter. Elle est également un moyen exceptionnel de mieux comprendre les autres et de mieux vivre avec eux. L’astrologie permet, enfin, d’avoir un éclairage sur les climats dans lesquels vous vivons ou allons vivre. En bref elle répond à certains grands questionnements : « Qui suis-je » « Où vais-je »… et éclaire ainsi notre chemin : « un homme averti en vaut deux ».


« Jusqu’à récemment dans l’Histoire, on ne se préoccupait donc pas du tout de la personnalité des gens.»


Quelles étaient les finalités de l’astrologie autrefois ?


Pendant très longtemps, les personnes ne se préoccupaient pas du tout de savoir à quelle heure, voire quel jour elles étaient nées. Il n’y avait guère que les « grands de ce monde » pour détenir cette information. Les Rois avaient, la plupart du temps, un astrologue attitré, et beaucoup de Papes pratiquaient l’astrologie. Une célèbre lithographie représente ainsi l’astrologue Morin de Villefranche observant les étoiles dans sa lunette astronomique au moment de la naissance de Louis XIV.


Le peuple consultait peu les astrologues, qu’ils confondait avec des sortes de « devins ». Néanmoins, certains de ces spécialistes pratiquaient des méthodes proches de ce que nous nommons aujourd’hui « l’astrologie horaire », défendue (et perfectionnée) par Denis Labouré. Elle a pour but de répondre aux questions, et pour ce faire, l’astrologue calcule le thème astral de la question. Imaginons une dame X qui souhaite savoir si elle va épouser monsieur Y. L’astrologue monte le thème du moment où la question lui est posée. Il regarde s’il est interprétable et valide tout d’abord, puis, en l’analysant, répond à la question. Par exemple (c’est très schématisé) il regarde si le Maître de la maison 1, qui décrit la personne posant la question, forme un aspect harmonique avec la planète maîtresse de la maison 7, représentant traditionnellement le conjoint. En fonction des aspects, il répond par l’affirmative ou par la négative. Ceci bien sûr étant applicable à une infinité de questions.

Comme pour les autres méthodes d’astrologie, j’ai appris l’astrologie horaire afin de me faire un avis. Elle est très efficace. C’est une pratique difficile en revanche. Il faut en appliquer les règles avec beaucoup de rigueur … et se souvenir de toutes !


Mais durant des siècles, tout ce qui était fait , étudié et pratiqué au niveau astrologique était uniquement prévisionnel.


Jusqu’à récemment dans l’Histoire, on ne se préoccupait donc pas du tout de la personnalité des gens. La psychologie, d’ailleurs, n’existait pas encore.


Quand a eu lieu le tournant qui a conduit à l’astrologie d’aujourd’hui ?


C’est vraiment le XXème siècle qui a changé les choses, avec l’avènement de l’astro-psychologie, un courant pour lequel j’ai beaucoup œuvré même si je me suis intéressée à tout en astrologie. Elle est très utile dans quasiment tous les domaines de l’existence : la relation aux autres, le travail car elle permet de mieux se situer par rapport à nos capacités et à nos aspirations, l’orientation des enfants en permettant de mieux les comprendre etc.


Au XXème siècle, également, s’est ajoutée une autre évolution. Jusque-là les prévisions étaient presque uniquement effectuées à partir de méthodes de progressions et de révolutions solaires. Grâce essentiellement à l’astrologue André Barbault, on a commencé à pratiquer et perfectionner la méthode des transits (la relation entre la position des planètes à un moment X par rapport aux points sensibles du thème natal).


Cette révolution a été suivie d’une autre avec l’arrivée d’Astroflash, c’est-à-dire du croisement entre l’informatique et l’astrologie, en 1966. Il y avait sur les Champs-Élysées de longues queues de personnes qui voulaient connaître leur thème astral fait par l’ordinateur. Ça ne pouvait pas aller très loin car c’était forcément très général, non-personnalisé. André Barbault avait accepté de faire les textes d’Astroflash car cela lui permettait d’avoir un logiciel lui permettant de faire ses recherches historiques en montant en trois minutes le thème de tel roi ou de telle reine du passé.


J’ai été sollicitée plus tard par les éditions Auréas pour écrire les textes d’un logiciel d’astrologie, et il y a des utilisations intéressantes au Canada de l’Intelligence artificielle. Pour autant, tout comme au temps d’Astroflash, l’astrologue est toujours indispensable à l’interprétation.


Dans votre livre Prévoir par l’Astrologie (Solar, 1999), vous racontez avoir été dégoûtée par les ouvrages que vous aviez consultés quand vous aviez commencé à vous intéresser intensément à l’astrologie car ils étaient trop déterministes. Pouvez-vous expliquer de quoi il s’agissait et préciser comment l’astrologie s’accorde avec le déterminisme, d’un coté, et le libre-arbitre de l’autre ?


Il y avait à l’époque des mensuels comme Horoscope, Astre, Astral, dans lesquels travaillaient des astrologues qui traitaient essentiellement de prévisions mais on commençait à y trouver des descriptions de caractère. Il y avait aussi des livres pour pratiquer et apprendre l’astrologie, mais peu. Les grands auteurs de l’époque étaient Hadès et Antarès. Les deux étaient compétents (Hadès a rédigé des ouvrages sur le symbolisme planétaire remarquables) mais terriblement déterministes. Quand j’ai commencé à les lire, j’ai été abasourdie. Je me demandais comment des astrologues pouvaient se montrer aussi sûrs d’eux et formuler des conclusions sans nuances (dans le style : « Tous vos projets sont voués à l’échec ») sans essayer de comprendre pourquoi, ni de proposer des moyens d’agir de façon plus adaptée, voire une meilleure orientation. Tout le monde était traité à la même enseigne, quelles que soient son histoire et ses prédispositions.


Je connaissais heureusement d’autres astrologues comme André Barbault, Jean-Pierre Nicola et Joëlle de Gravelaine. Quand j’avais fait part à cette dernière que j’avais lu Hadès et Antarès, elle m’avait répondu en rigolant : « et après tu n’as pas été te jeter direct au fond de la Seine ? tu as de l’avenir !». Cela m’a rassurée !


Le déterminisme existe bien entendu, en astrologie comme dans la vie en général. Naître dans un pays comme la France est un privilège d’une certaine façon. Imaginons un enfant qui naît aujourd’hui en Europe, dont le thème est porteur d’une forte énergie ; en même temps, un autre enfant naît dans un pays ravagé par la guerre ou la famine. Le premier mettra son énergie au service de la réussite de ses projets professionnels ou privés ; le second l’utilisera pour trouver à se nourrir, à survivre, et sans doute il y parviendra, mais au final la situation ne sera pas la même…


Pour autant, l’astrologie laisse ouvert le champ des possibles. Elle est comme la musique. Avec une même note, il y a tant de résultats possibles ! ! Avec un thème, c’est pareil. Deux personnes nées à la même heure dans le même lieu et dans le même milieu social exprimeront leur potentiel différemment, d’où l’importance de l’échange de l’astrologue avec son consultant. En revanche, et cela se vérifie étonnamment, les grandes échéances de leur vie auront lieu au même moment.


« Beaucoup des livres d’astrologie publiés actuellement ne sont pas écrits par des astrologues. »


Comment jugez-vous la démocratisation actuelle autour de l’astrologie, à laquelle vous avez participé par vos travaux, par vos cours et par votre école Maison 9 ?


La véritable démocratisation de l’astrologie ne date pas d’aujourd’hui mais du siècle dernier. Maintenant, elle est simplement « entrée dans les mœurs » pour le meilleur et parfois pour le moins bon.


Je suis absolument favorable au fait de rendre l’astrologie plus accessible et intelligible, pourvu que ce soit fait avec mesure, cohérence et ouverture d’esprit. L’astrologie a toujours connu des « effets de mode », des périodes d’admiration ou de mépris. Elle suscite beaucoup d’intérêt chez la jeune génération, ce qui conduit presque automatiquement à des dérives.


Mon éditeur me disait récemment que, parmi les livres sur l’astrologie qui se publient de partout, beaucoup n’ont pas été écrits par des astrologues ! Or, la tendance de ceux qui ne savent pas est d’énoncer des certitudes qui ne sont pas assez vérifiées , alors qu’en vérité, plus on sait, plus on doute. Il m’arrive d’avoir des personnes qui m’écrivent en me demandant leur révolution solaire et seulement leur révolution solaire. Quand je leur réponds qu’il faudrait d’abord regarder le ciel de naissance et qu’ils me disent « ça c’est bon, je me connais ! », les bras m’en tombent ! D’ailleurs, j’ai pratiqué longtemps les révolutions solaires et je ne pense pas que ce soit la meilleure des méthodes de prévision. Elle n’existe qu’en complément des transits et des directions.


Je suis également frappée par le manque de connaissances astronomiques de beaucoup d’astrologues aujourd’hui. J’ai entendu une astrologue célèbre ignorer ce qu’était une rétrogradation ! Ne pas savoir ce qu’est une révolution planétaire, une planète lente ou rapide me paraît curieux. Je ne demande pas à mes étudiants de faire des recherches approfondies en astronomie mais il est quand même plus intéressant de savoir de quoi on parle. Une partie des astrologues d’aujourd’hui parle des planètes seulement comme d’énergies. Je suis convaincue du fait que les planètes en diffusent, mais elles ne sont pas que des énergies, elles existent… Même si elles sont loin.

Merci d’avoir lu la première partie de l'entretien de Catherine Aubier. Si vous relevez des fautes d’orthographe, des coquilles, n’hésitez pas à me le signaler. Ces entretiens sont accessibles gratuitement, vous pouvez les partager à votre guise.